Qui est Nicolas de Staël ? Nicolas de Staël est né en 1914 à Saint-Pétersbourg dans une famille aristocratique. Exilé en Pologne et orphelin très jeune il sera finalement formé à Bruxelles où il va acquérir une grande culture artistique. Il voyage ensuite en Europe et en Afrique et s’engage dans la légion étrangère. Suite à sa démobilisation, il se fixe en France, à Nice puis à Paris sous l’occupation. Après des années de travail et d’exploration de tous les genres de la peinture, il devient un artiste accompli et connaît le succès. En 1953, une dépression l’isole dans le sud de la France. Il vivra quelques mois en ermite à Antibes avant de se donner la mort.
Ce que j’aime dans les toiles de Nicolas de Staël, c’est ce que déplore David Sylvester : « une communion spontanée avec le monde visible », c'est-à-dire une façon de construire un paysage à partir de quelques touches, une façon d’aller à l’essentiel, une façon de nous faire plonger dans la profondeur des paysages, de nous impressionner par leur lumière. J’aime la surprise du peintre parfois lui-même spectateur de la naissance de formes sur la toile, j’aime ce que l’historien André Chastel a appelé « le miracle de la trouvaille instantanée, irrésistible ». Ce que j’aime c’est le personnage de Staël, ses nombreuses correspondances, ses commentaires, ses réflexions toujours exprimés avec des mots justes et poétiques. J’aime son atelier de Montparnasse dont P. Waldberg dira : « L’atelier de Staël tient du puits, de la chapelle et de la grange par ses proportions démesurées, sa blancheur austère et son atmosphère d’activité intense, mais recluse. Les visiteurs qui, non prévenus, y pénètrent se trouvent dès le seuil en perte d’équilibre, leur habitude de voir se trouve déjouée, quelques chose en eux se dégonce, et les plus prompts au commentaire se trouvent momentanément à courts de mots ».
« Je sais que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine »
Après ses études aux Beaux Arts de Bruxelles, de Staël entreprend plusieurs voyages qui le conduiront jusqu’à Marrakech. Faits d’expérimentations et d’émerveillements, ils vont confirmer sa vocation. Il en rapportera des dessins et des aquarelles mais de Staël est encore très jeune et c’est aussi le temps du doute et du questionnement : « Parfois la distance de mon travail à mes rêves me fait rire, Maman, rire de moi avec tristesse ».
Du combat de traits à la forme couleur
Les premières toiles de Staël sont des compositions abstraites de lignes nerveuses et géométriques. Le peintre compose souvent à partir des lignes de force d’objets concrets comme des marteaux ou des tenailles. Il structure ses peintures selon un alphabet rigoureux qu’il construit au fil de son travail.
de la danse, 1947
De Staël introduit peu à peu la géométrie des formes dans ses « combats de traits ». En appliquant une matière riche et lourde au couteau en aplats, les traits s’épaississent jusqu’à donner naissance à des formes qui ravissent de Staël. « C’est peint à la pate dentifrice, cette merveille parmi les merveilles qui enchante l’enfant qui se cache en nous » dira Jean Bauret. De Staël est lui-même surpris et reconnait perdre prise sur ses propres compositions :
rue Gauguet, 1949
« Cela ne dépend pas du talent, cela ne dépend pas de la maîtrise, cela ne dépend pas de la volonté de faire ou de ne pas faire quelque chose. On se perd à jamais à partir de l’instant où quelque chose se passe, tout est là, hors de nous ».
Cette période marque l’avènement simultané de la forme et de la couleur dans l’œuvre de Staël. Il simplifie les formes qui résultent de plus en plus de son geste de maçon, et les confronte à la couleur pure.
les toits, 1952
Entre abstraction et figuration, une autre voie
« Je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace. »
L’espace que de Staël cherche à représenter, ce sera en premier lieu le paysage. Les formes qu’il peignait deviennent des éléments du paysage. Avec les moyens renouvelés dont il s’est doté, il peindra les toiles de sa maturité en ne retenant du paysage que l’aspect formel et l’intensité de la lumière.
« L’espace pictural est un mur mais tous les oiseaux du monde y volent librement. »

Il construit désormais l’espace à partir de larges pans de couleurs étalés avec force et se situe ainsi sur une limite entre abstraction et figuration. Pour E. H. Gombrich, « les touches simples mais subtiles s’organisent souvent en évocations de paysages ; il donne à merveille l’impression de la lumière et de la distance sans faire oublier la qualité de la peinture.»
« On ne peint jamais ce qu’on voit ou qu’on croit voir, on peint à mille vibrations le coup reçu »
route d'Uzès, 1954 phare de Gravelines
La réinvention des genres
De Staël ne va pas seulement explorer le paysage. Il va s’intéresser et renouveler plusieurs grands genres de la peinture classique, notamment le nu et la nature morte.


nu debout, 1954 nu couché bleu, 1955


bouteilles, 1954 le concert, 1955
Bibliographie:
Nicolas de Staël, une illumination sans précédent, Marie du Bouchet, Gallimard
Histoire de l'art, E.H. Gombrich, Phaidon
L'art Moderne et contemporain, Serge Lemoine, Larousse