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6 juillet 2008 7 06 /07 /juillet /2008 15:30

Qui est Nicolas de Staël ? Nicolas de Staël est né en 1914 à Saint-Pétersbourg dans une famille aristocratique. Exilé en Pologne et orphelin très jeune il sera finalement formé à Bruxelles où il va acquérir une grande culture artistique. Il voyage ensuite en Europe et en Afrique et s’engage dans la légion étrangère. Suite à sa démobilisation, il se fixe en France, à Nice puis à Paris sous l’occupation. Après des années de travail et d’exploration de tous les genres de la peinture, il devient un artiste accompli et connaît le succès. En 1953, une dépression l’isole dans le sud de la France. Il vivra quelques mois en ermite à Antibes avant de se donner la mort.

 

Ce que j’aime dans les toiles de Nicolas de Staël, c’est ce que déplore David Sylvester : « une communion spontanée avec le monde visible », c'est-à-dire une façon de construire un paysage à partir de quelques touches, une façon d’aller à l’essentiel, une façon de nous faire plonger dans la profondeur des paysages, de nous impressionner par leur lumière. J’aime la surprise du peintre parfois lui-même spectateur de la naissance de formes sur la toile, j’aime ce que l’historien André Chastel a appelé « le miracle de la trouvaille instantanée, irrésistible ». Ce que j’aime c’est le personnage de Staël, ses nombreuses correspondances, ses commentaires, ses réflexions toujours exprimés avec des mots justes et poétiques. J’aime son atelier de Montparnasse dont P. Waldberg dira : « L’atelier de Staël tient du puits, de la chapelle et de la grange par ses proportions démesurées, sa blancheur austère et son atmosphère d’activité intense, mais recluse. Les visiteurs qui, non prévenus, y pénètrent se trouvent dès le seuil en perte d’équilibre, leur habitude de voir se trouve déjouée, quelques chose en eux se dégonce, et les plus prompts au commentaire se trouvent momentanément à courts de mots ».

 

« Je sais que ma vie sera un continuel voyage sur une mer incertaine »

Après ses études aux Beaux Arts de Bruxelles, de Staël entreprend plusieurs voyages qui le conduiront jusqu’à Marrakech. Faits d’expérimentations et d’émerveillements, ils vont confirmer sa vocation. Il en rapportera des dessins et des aquarelles mais de Staël est encore très jeune et c’est aussi le temps du doute et du questionnement : « Parfois la distance de mon travail à mes rêves me fait rire, Maman, rire de moi avec tristesse ».


  Du combat de traits à la forme couleur
 


Les premières toiles de Staël sont des compositions abstraites de lignes nerveuses et géométriques. Le peintre compose souvent à partir des lignes de force d’objets concrets comme des marteaux ou des tenailles. Il structure ses peintures selon un alphabet rigoureux qu’il construit au fil de son travail.

 



de la danse, 1947


De Staël introduit peu à peu la géométrie des formes dans ses « combats de traits ». En appliquant une matière riche et lourde au couteau en aplats, les traits s’épaississent jusqu’à donner naissance à des formes qui ravissent de Staël. « C’est peint à la pate dentifrice, cette merveille parmi les merveilles qui enchante l’enfant qui se cache en nous » dira Jean Bauret. De Staël est lui-même surpris et reconnait perdre prise sur ses propres compositions :


  rue Gauguet, 1949

 
« Cela ne dépend pas du talent, cela ne dépend pas de la maîtrise, cela ne dépend pas de la volonté de faire ou de ne pas faire quelque chose. On se perd à jamais à partir de l’instant où quelque chose se passe, tout est là, hors de nous ».

 

Cette période marque l’avènement simultané de la forme et de la couleur dans l’œuvre de Staël. Il simplifie les formes qui résultent de plus en plus de son geste de maçon, et les confronte à la couleur pure.

 

 

les toits, 1952

 

Entre abstraction et figuration, une autre voie

 « Je n’oppose pas la peinture abstraite à la peinture figurative. Une peinture devrait être à la fois abstraite et figurative. Abstraite en tant que mur, figurative en tant que représentation d’un espace. »

 

L’espace que de Staël cherche à représenter, ce sera en premier lieu le paysage. Les formes qu’il peignait deviennent des éléments du paysage.  Avec les moyens renouvelés dont il s’est doté, il peindra les toiles de sa maturité en ne retenant du paysage que l’aspect formel et l’intensité de la lumière.
 

« L’espace pictural est un mur mais tous les oiseaux du monde y volent librement. »


Sicile (vue d'Agrigente), 1954


Il construit désormais l’espace à partir de larges pans de couleurs étalés avec force et se situe ainsi sur une limite entre abstraction et figuration. Pour E. H. Gombrich, « les touches simples mais subtiles s’organisent souvent en évocations de paysages ; il donne à merveille l’impression de la lumière et de la distance sans faire oublier la qualité de la peinture.»

 
« On ne peint jamais ce qu’on voit ou qu’on croit voir, on peint à mille vibrations le coup reçu »


                   

route d'Uzès, 1954                                                                                                                              phare de Gravelines

 
La réinvention des genres

De Staël ne va pas seulement explorer le paysage. Il va s’intéresser et renouveler plusieurs grands genres de la peinture classique, notamment le nu et la nature morte.

       
nu debout, 1954                                          nu couché bleu, 1955

       
bouteilles, 1954                                                                   le concert, 1955

 



Bibliographie:

Nicolas de Staël, une illumination sans précédent, Marie du Bouchet, Gallimard

Histoire de l'art, E.H. Gombrich, Phaidon

L'art Moderne et contemporain, Serge Lemoine, Larousse

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6 avril 2007 5 06 /04 /avril /2007 10:06

Qui est Jean Dubuffet ? Jean Dubuffet est né en 1901 au Havre. A l'âge de dix huit ans, il se rend à Paris pour suivre les cours de l'académie Julian qu'il abandonne rapidement pour travailler seul. Ce n'est qu'en 1942 qu'il décide de se consacrer entièrement à la peinture; jusqu'alors son parcours était marqué par des doutes sur les valeurs de la culture et des plus ou moins longs arrêts de son activité artistique. Il s'oppose avec virulence à l'art « cultivé » qu'on apprend dans les  écoles et les musées et n'a de cesse de désacraliser et de détacher l'art des critères esthétiques. Son oeuvre évoluera par périodes successives accompagnées de changement de style et d'une vision chaque fois renouvelée. Elle sera constamment marquée par la spontanéité, l'aspect volontairement primitif ou le travail sur la matière. Dubuffet contribue grandement à poser les bases d'une contre-culture, appelée « art informel » ou « art brut » qui cherche à s'arracher de l'emprise de toute influence pour explorer de nouveaux territoires. Bien qu'il ait été vivement contesté, il a occupé la scène internationale jusqu'à sa disparition à Paris en 1985.


" L'art ne vient pas coucher dans les lits qu'on a faits pour lui; il se sauve aussitôt qu'on prononce son nom : ce qu'il aime c'est l'incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s'appelle ".


Le traitement du paysage est une question à laquelle Dubuffet tente d'apporter des réponses de façon récurrente. Ce genre, classique de la peinture par excellence, semble à première vue incompatible avec la démarche contestataire de Dubuffet vis-à-vis de la culture. Pourtant, Dubuffet s'aventure dans d'immenses champs inexplorés avec chaque série. Chacune constitue un nouveau langage plastique lui permettant de s'exprimer avec l'imagination du moment. Aussi en parcourant par ordre chronologique son travail sur le paysage, le site, le lieu nous pouvons explorer les évolutions de son oeuvre, ce qui en constitue la singularité et la puissance, et l'indissociable cheminement intellectuel de l'artiste. Cela ne reste néanmoins qu'une très brève première approche.




Paysage Vineux - Série des marionnettes de la ville et de la campagne, 1944

Le plan du sol est relevé, par contre la maison, les animaux et les personnages sont vus de face à la manière des dessins d'enfants que Dubuffet considèrent comme « les façons propres à l'homme de transcrire les spectacles offerts à ses yeux ». L'expression est archaïque, exagérément simplifiée voire clownesque ; elle semble indiquer une exécution rapide, presque inconsciente de la part de l'artiste. Dubuffet nous transporte ainsi « du monde physique sur un plan semi-idéologique ». C'est la quête du réel qui semble dominer ici.

Le titre du tableau associe poétiquement un genre pictural à un adjectif qui évoque à la fois un objet et une couleur : c'est tout le paysage qui est vu à travers le filtre poétique du vin. Par la grande unité picturale et un travail sur la matière dans laquelle sont incrustées les lignes Dubuffet insiste sur la continuité humaine et naturelle.






Paysage à l'auto - Série des pâtes battues, 1953 :

Dubuffet approfondit son travail sur la matière. Son geste est d'abord vécu comme un plaisir physique :

« Cest le même plaisir qui conduit la main de celui qui trace quelque dessins très hâtif, ou quelque mot, sur l'enduit frais d'un mur ou le ciment fraîchement lissé d'un sol ».

 

La facture s'apparente en effet à celle des graffiti : avec un couteau, l'artiste trace des signes dans une pâte préalablement déposée sur un fond de couleur foncée. La pâte donne ainsi la consistance aux figures et représente pour Dubuffet la substance primordiale, à l'origine du monde. Dans cette pâte peut se jouer le théâtre de la vie comme le rappellent les formes dansantes de la toile.







J’habite un riant pays :

Dubuffet joue sur la relation figure-fond.

« Tous les éléments évoqués sont immergés dans une sorte de continu, de bain sans fond ».

 

Malgré une certaine gaieté qui se dégage des couleurs et des formes végétales, le côté déshumanisant a pris le dessus et le paysage « suggère une toile de fond en attente du drame humain ».







L’hôtel du Cantal – Série Paris Circus, 1961 :

Avec le cycle Paris Circus, Dubuffet s’intéresse au paysage urbain et s’attache à un monde en paix. Il possède le regard du flâneur qui ne se confond pas avec la circulation féerique ni avec les passants. Les commerces servent de toiles de fond à laquelle les couleurs et les lignes tremblantes confèrent une grande énergie.

« Je veux que ma rue soit folle, que mes chaussées, boutiques et immeubles entrent dans une danse folle ».

 

On est au cœur des Trente Glorieuses. Mais Dubuffet dit aussi beaucoup sur la société moderne de consommation dominée par la foule et l’argent. Le manque de communication et l’individualisation menacent déjà les conducteurs automobiles enfermés dans leur véhicule. Il nous offre ainsi une interprétation mentale du site et de son architecture.







Site à l’homme assis – Série des sites tricolores (cycle de l’Hourloupe), 1974 :

Max Loreau, un ami de Dubuffet raconte : «En juillet 1962, lorsqu’il répond au téléphone, Dubuffet laisse distraitement courir son stylo bille rouge sur des petits morceaux de papier. De ces exercices sortent des dessins à demi automatiques, qu’il barre de rayures rouges et bleus.» Ainsi commence l’aventure de l’Hourloupe.

Dubuffet opte pour des couleurs industrielles, des contours soignés, des hachures et coloriages qu’il détourne de leur usage conventionnel. Il renonce à l’« exécution » (matériologie, texturologie et spontanéité) pour la « programmation » d’une sorte de puzzle. La toile devient un enchevêtrement de signes, une sorte de langage. La relation figure-fond est toujours plus ambiguë, le haut et le bas subsistent encore grâce à la mince bande de ciel.

« L’équivoque qui court dans tous ces tableaux tient à l’inconfortable incertitude entre leur appartenance au registre purement mental et immatériel […] ou à celui des représentations du monde physique réel. […] Rien n’effraie tant que la confusion entre l’imaginaire et le réel ».

Si Dubuffet entretient cette confusion, c’est parce qu’il éprouve une perte de repères qui le pousse à la même traduction graphique pour tout.






Site avec deux personnages - Série des psycho-sites, 1981 :

Deux personnages inconsistants évoluent dans un paysage chaotique. Ils parviennent à maintenir un lien avec la réalité extérieure et le spectateur mais ils sont prisonniers d'une enveloppe individuelle, prisonniers de leur subjectivité. L'humanité est réduite à cette multiplicité de solitudes dérivant dans le chaos.

Toute référence contextuelle est bannie, les éléments évoquent violence et hostilité. Le paysage réel disparaît au profit d'un paysage mental totalement déshumanisant constitué d'espaces cellulaires isolants de façon plus évidente encore les personnages.







Dramatique I (H123) – Série des non-lieux, 1984 :

L’œuvre de Dubuffet se clôt par la série des non-lieux. L’inspiration est profondément nihiliste, la trace humaine qui s’estompait déjà a disparu. Il résume ainsi :

« Récusée dans son entier la lecture humaniste de l’univers, ces peintures y substituent une lecture tout autre, dans laquelle n’apparaissent plus les fixités identifiables, mais basée sur les dynamismes et les pulsions, sur les continuités et les mutations ».

 

 

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28 décembre 2006 4 28 /12 /décembre /2006 19:27

Qui est Mark Rothko ? Marcus Rothkowitz naît en 1903 à Dvinsk alors en Russie, aujourd'hui ville de Lettonie, dans une famille juive. Il émigre très jeune aux Etats-Unis avec sa famille à cause de la pression politique et économique qui pèse sur les juifs. Il prendra après avoir obtenu la nationalité américaine le nom de Mark Rothko. Elève très brillant, il est très préoccupé par son développement personnel et passe beaucoup de temps à lire et écouter de la musique mais quitte toutefois l'université de Yale sans diplôme. Son choix pour la peinture a quelque chose d'inattendu, sa grande culture aurait pu l'entraîner dans des voies bien différentes d'autant plus qu'il ne semblait pas avoir de talent inné pour cet art. Il dira « je suis devenu peintre parce que je voulais amener la peinture au même niveau d'expressivité poignante que celui de la musique et de la poésie. » Rothko est méticuleux, secret, réflexif, il prend au sérieux son geste de peintre. Le développement de son oeuvre sera à son image. Après une période réaliste, une période surréaliste, il atteint sa maturité dans l'abstraction qui est marquée par la puissance émotionnelle et la constance de ses grandes formes-couleurs. Rothko parviendra à proposer au spectateur « une expérience totale » en lui offrant une véritable surface de méditation capable de l'atteindre au plus profond. Il se suicidera dans son atelier à New York en 1970.


 


Ce que j'aime chez Rothko, c'est la répétition de la structure de ses peintures, comme s'il avait atteint quelque chose d'absolu qu'il essayait à chaque fois de reproduire. J'aime la justesse des proportions, les éclatantes et surprenantes couleurs. J'aime la quête d'émotions enfouies en nous que mène Rothko. Sa recherche graphique est entièrement un moyen pour exprimer des émotions universelles. J'aime me sentir submergé, attiré par les couleurs, j'aime ce voyage insolite « dans » le tableau. J'aime sentir que les mots, que toute littérature est inutile pour exprimer ces liens que créent ses peintures avec nous. J'aime leur puissance méditative, leur aspect captivant, l'envie de contemplation qu'elles suscitent. J'aime aussi la minutie de l'artiste qui est à chaque fois attentif à l'accrochage de ses oeuvres et son désir de faire des salles d'exposition de véritables espaces où rayonnent ses peintures.

 



 

Les peintures de la maturité :

Les toiles que Mark Rothko peint à partir de 1949 sont d'abord surprenantes par leur constance. Elles s'en tiennent toutes à la structuration suivante : quelques vastes formes quasi-rectangulaires occupent l'une au dessus de l'autre presque toute la surface, ces formes s'imposent par leurs couleurs différentes, les contours flous qui les séparent du bord et entre elles laissent apparaître un vide monochrome qui les met en suspension, le format est imposant.

Jack Tworkov dira qu'avec ces toiles, « il a atteint quelque chose » ; leur simplicité, leur clarté, leurunité leur confèrent sans aucun doute une sorte d'évidence. Oui, Rothko a atteint quelque chose, quelque chose de si évident pour tous qu'il peut provoquer l'extase, la méditation, la mélancolie, quelque chose qui n'a pas besoin de mot, quelque chose de notre essence même.

Pour parler des toiles de Rothko, on emploi souvent le terme « forme-couleur ». Les formes, se sont des rectangles aux proportions d'une incroyable justesse. Ils ne sont pas sans évoquer les ouvertures d'un mur. Plus précisément des ouvertures non vers l'extérieur, mais vers l'intérieur le plus profond du spectateur. Il parlera tantôt de « façades », tantôt du « piège [...] où

toutes les portes et les fenêtres sont murées ». Si ces formes aux contours flous s'imposent avec tant de clarté, c'est surtout par leur couleur. Les qualités de couleur sont remarquables, leur association d'une justesse infinie. « La primauté est ainsi donnée à la couleur et à l'espace qu'elle crée » dira Pierre Soulages. Les formes-couleurs, ce sont ces espaces, ces espaces capables d'atteindre celui qui les contemple. Car il ne faut pas s'y tromper, elles ne sont qu'un moyen et non le but de la recherche du peintre : « Je ne suis pas un abstrait. Ce ne sont pas les relations de formes et de couleurs qui m'intéressent mais seulement l'expression des émotions humaines fondamentales. [...] Et si vous n'êtes émus que par les relations entre les couleurs, vous passez à côté de l'essentiel. » Ce qui l'importe, c'est bien le sujet de sa peinture.


 

Rothko cherche donc l'expression de ce qui est le plus enfouis en nous. La compréhension de sa peinture ne peut donc pas exister en dehors du spectateur. L'explication naît justement de la relation qu'il sait établir entre le spectateur et le tableau, cette « expérience totale ». Il est intéressant de noter l'importance qu'il accordait aux formats de ses tableaux, à leur accrochage ainsi qu'à la distance depuis laquelle ils devaient être vus. « Peindre un petit tableau, c'est s'écarter de sa propre expérience, être le spectateur de sa propre expérience, comme si l'on se regardait soi-même avec des lunettes ou une loupe. Plus la peinture que vous faites est grande, plus vous êtes dedans. Ce n'est pas quelque chose à quoi vous donnez des ordres ».

Dans sa relation à la toile, le spectateur n'est pas renvoyé à lui-même mais à des questions essentielles. Le message que la toile véhicule est universel, intemporel, il engloutie le spectateur. C'est bien de l'essence dramatique de la vie dont il s'agit, « l'expérience tragique qui est la seule référence de l'art ». On peut aller jusqu'à parler de rayonnement spirituel bien que Rothko se soit déclaré agnostique. Car ses oeuvres n'ont pas besoin de littérature, pas besoin de mots, elles tirent leur puissance émotionnelle de leur valeur contemplative. D'ailleurs, ne laissent-elles pas sans voix ?





 

A quel courant artistique appartient-il ? Mark Rothko appartient au groupe américain que l'on nomme Expressionnistes Abstraits. Ce groupe, formé dans le New York de l'après-guerre, compte beaucoup de figures célèbres parmi lesquelles Jackson Pollock, Willem De Kooning, Adolph Gottlieb, Robert Motherwell, Franz Kline, Clifford Still, Barnett Newman et Mark Rothko. L'expressionnisme abstrait désigne moins un style qu'une démarche visant à exprimer des sentiments à travers une action picturale. Il n'a pas été doté d'un programme arrêté et les liens entre les artistes sont restés assez lâches. De ce fait, leurs oeuvres n'ont pas d'unité flagrante et peuvent être séparés en deux tendances : l' « action painting » (l'action gestuelle est au premier plan), et le « colorfield painting » (la puissance émotionnelle de la couleur). Ils sont principalement influencés par le surréalisme et l'impressionnisme et très généralement par des artistes comme Max Ernst, André Masson, Piet Mondrian et Chagall et visitent fréquemment le Museum of Modern Art de New York.

Le jeune peintre William Seitz donne de l'expressionnisme abstrait la définition suivante : « Pour eux, l'expression passe avant la perfection, la vitalité avant l'achèvement, la fluidité avant le repos, l'inconnu avant le connu, le voilé avant le manifesté, l'individuel avant le social et l'intérieur avant l'extérieur. »

     

 

 


 

Où peut-on voir des oeuvres de Mark Rothko ? La Tate Gallery de Londres expose à la Tate Modern Gallery une importante et sublime collection. Le Kawamura Memorial Museum of Art à Chiba-Ken au Japon montre plusieurs des « Murals » d'abord destinées au restaurant de la tour Seagram sur Park Avenue à New York. La « Rothko Chapel » à Houston contient les peintures spécialement conçues pour cet espace et le fruit de plusieurs années de travail. En France, le centre Georges Pompidou expose une peinture de l'artiste.


 


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3 novembre 2006 5 03 /11 /novembre /2006 20:16


Qui est Pierre Soulages ? Pierre Soulages est né en 1919. Il sera admis à l'Ecole Nationale supérieure des Beaux-Arts mais convaincu de la médiocrité de cet enseignement il refusera d'y entrer. Après 1946, il se consacre presque entièrement à la peinture et côtoie les plus grands peintres abstrait. Sa peinture abstraite réalisée avec une palette restreinte compose avec les effets de la lumière, des surfaces noires et du clair-obscur. Pierre Soulages est un artiste contemporain majeur et un musée Soulages verra le jour sous peu à Rodez sa ville natale.

« Le noir est antérieur à la lumière. Avant la lumière, le monde et les choses étaient dans la plus totale obscurité. Avec la lumière sont nées les couleurs. Le noir leur est antérieur. Antérieur aussi pour chacun de nous, avant de naître, "avant d'avoir vu le jour".  Ces notions d'origine sont profondément enfouies en nous. Est-ce pour ces raisons que le noir nous atteint si puissamment ? […] J'aime l'autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité. Son puissant pouvoir de contraste donne une présence intense à toutes les couleurs et lorsqu'il illumine les plus obscures, il leur confère une grandeur sombre.

Un jour je peignais, […] les différences de textures réfléchissaient plus ou moins faiblement la lumière et du sombre émanait une clarté, une lumière picturale dont le pouvoir émotionnel particulier animait mon désir de peindre […]. Mon instrument n'etait plus le noir mais cette lumière secrète venue du noir. […] Pour ne pas les [les peintures] limiter à un phénomène optique j'ai inventé le mot Outrenoir, au-delà du noir, une lumière transmutée par le noir et, comme Outre-Rhin et Outre-Manche désignent un autre pays, Outrenoir désigne aussi un autre pays, un autre champ mental que celui du simple noir. » Pierre Soulages, Le Noir. Dictionnaire des mots et expressions de couleur XXe-XXIe siècle Annie Mollard-Desfour, CNRS Éditions.

 


Ce que j’aime chez Soulages, c’est le caractère imposant et grave de ses toiles. Leur présence. Leur pouvoir attractif. J’aime leur rythme. J’aime savoir qu’une photographie ne peut pas transmettre l’émotion des reflets de lumière vibrants qui émanent et composent avec le noir. On ne peut en effet apprécier une toile que si l’on est en sa présence physique. L’authenticité et l’expérience sensible du spectateur caractérisent vraiment ses œuvres. J’aime l’aspect artisanal du travail de Soulages qui consiste régler la rugosité d'une surface sans chercher aucune figuration. J’aime la façon lente, patiente, attentive et créative avec laquelle il a conçu les vitraux de l’Abbatiale de Conques.


Réflexion de/sur la lumière :

Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est la lumière qui est en jeu dans les tableaux noirs de Soulages. Pour le comprendre, il faut s’intéresser à la surface des toiles. Les brosses, les lames ou les pinceaux qu’il confectionne lui-même creusent dans l’épaisse couche de peinture des sillons, des stries, des reliefs ou bien lissent des à plats. La rugosité des toiles fait alors naitre des reflets, ordonnés par l’artiste. Le mélange optique entre la luminosité des reflets et le noir fait apparaître une palette beaucoup plus large dont la qualité est si particulière.




Dès lors, chaque tableau devient vivant, il se fait avec la lumière, se transforme et se construit devant les yeux du spectateur qui se déplace. A partir d’une couleur, naissent et vivent des couleurs, rythmées par le rythme des traces dans la peinture.

Il en résulte qu’une œuvre de Soulages se vit et ne peut s’apprécier en reproduction photographique. Elle constitue une expérience.

« Là, c'est la lumière qui émane du noir lui-même, et qui vibre, se module sous les yeux de celui qui regarde, qui voit naître et disparaître des formes. »




Les vitraux de l’Abbatiale Sainte Foy de Conques (Aveyron) :

L’Abbatiale Sainte Foy est un chef d’œuvre de l’art roman, située à Conques sur la route du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. Proche sa ville natale, l’Abbatiale est chère à Soulages car c’est le lieu où il a éprouvé ses « premières émotions artistiques ». Il accepte donc en 1987, la proposition qui lui est faite de réaliser les vitraux. Il terminera ses travaux sept ans plus tard, en 1994, après de nombreux essais sur le site.

Soulages fonde sa recherche sur "une analyse objective de l'architecture" et se laisse "inspirer par le monument tel qu’il est parvenu jusqu’à nous". Par ce moyen, il trouve une réponse aux exigences de l’historicité du monument à l’égard de son travail d’artiste.

Les cent quatre percements de l’Abbatiale rendent compte de l’importance de la lumière dans l’architecture romane. Soulages souhaite donc une surface laissant passer la lumière, la lumière naturelle, capable d’inonder l’Abbatiale. Ce sera une surface « émettrice de clarté » et à la fois opaque à la vue. Elle sera ainsi une ouverture, en ce sens qu’elle permettra un éclairement naturel et une clôture qui contiendra le regard. Cette surface, Soulages la mettra lentement au point, faisant de la temporalité exprimée par les variations de la lumière du jour (selon les heures et les saisons), une composante essentielle. Il créé un verre constitué de grains blancs répartis de façon non homogène qui transforme la lumière naturelle. Les rayons sont réfléchis différemment à chaque point de la surface si bien qu’à l’intérieur, la lumière devient vivante et prend des teintes subtiles.

Par contraste avec les rectilignes horizontales et verticales qui dominent l’édifice, Soulages propose des lignes de plomb souples et obliques. Il supprime également les bordures des vitraux qui auraient étaient redondantes avec la maçonnerie.

 


La surface des vitraux est opalescente, la lumière obtenue délicate, changeante et accompagnée par ces lignes courbes. Le lieu de culte reste préservé du milieu extérieur et il est encore plus rythmé par la course du soleil. Les vitraux sont en accord avec le monument, la lumière en accord avec la pierre, l’atmosphère en accord avec le lieu de prière. Soulages magnifie le monument et le donne à voir dans le plus grand respect de ses valeurs et de son historicité. Il réussit ainsi le difficile exercice de s’insérer dans un monument historique.



Où voir des œuvres de Soulages ? Pierre Soulages expose partout dans le monde dans les plus prestigieux musées. En France, citons principalement le musée de Grenoble, le musée Fabre de Montpellier, le Centre Georges Pompidou à Paris, le musée d'art moderne de la ville de Paris (palais de Tokyo), les Abattoirs de Toulouse.

 


 


 

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1 octobre 2006 7 01 /10 /octobre /2006 16:54


Qui est Francis Bacon ? Francis Bacon est un peintre Irlandais largement autodidacte né à Dublin en 1909. Il deviendra l’un des peintres majeurs du XX ème siècle. Bacon aborde une série de thèmes de façon récurrente, obsédée même : la Crucifixion, le portrait du Pape, l’homosexualité, le mouvement, l’autoportrait et les portraits. Son traitement du corps humain rend son œuvre remarquable : corps flous, tordus, coulants, triturés, athlétiques ou recroquevillés, disséqués, décomposés. Il meurt à Madrid en 1992.

 
 

 


Ce que j’aime chez Bacon, c’est son intérêt pour la figure humaine, pour l’homme plutôt que pour la scène, l’histoire, la narration. Il ne peint pas le spectacle, mais la figure humaine face à la tragédie, la figure humaine en lutte contre la menace de mort. Ce que j’aime, c’est son habileté à déformer l’apparence humaine pour rendre compte du mouvement, de la réalité de l’individu, de ses sentiments, joies et drames. Le sujet, l’homme est toujours reconnaissable dans les portraits de Bacon. J’aime son effort de compréhension, d’approfondissement ; d’ailleurs, beaucoup de ses toiles sont des « études ».

 

 

Peindre le cri:

Francis Bacon débute son parcours artistique avec « Trois études de figures au pied d’une Crucifixion » en 1944. C’est un tableau très dur qui horrifiera tous les visiteurs de sa première exposition. Il ne représente pourtant pas une crucifixion ni une action violente. La violence est traduite dans les figures monstrueuses, exprimant haine, voracité, cauchemar. Bacon explique : « je veux peindre le cri plutôt que l’horreur ». Peindre le cri, ce n’est pas peindre l’action violente mais rendre compte de l’effet de cette action sur l’homme par la violence expressive des figures. Elles sont d’ailleurs placées sur des sortes de tables ou tabourets faisant office de socles ou d’estrades sur un fond régulier ce qui fait d’elles les uniques sujets du tableau. Ces figures sont moitié humaines, moitié animales, avec des expressions horrifiées et douloureuses difficilement plus universelles.

 

Bacon reprend bien des années plus tard ce triptyque, en 1988, dans un format largement plus grand et de façon plus achevée. La photo ci-dessus représente cette seconde version

 

Un autre cri peint par Francis Bacon est le célèbre portrait du pape Innocent X dont il réalisera de nombreuses études. Bacon travaille à partir de reproduction du portrait du pape par Velasquez qu’il admire. Il transforme le doux sourire du pape en un cri déchirant d’une puissance incroyable.


 

Une vision de l’homme : Bacon a dit « ce que je veux faire, c’est déformer la chose et l’écarter de l’apparence mais dans cette déformation, la ramener à un enregistrement de l’apparence ».


Pour le portrait de Henrietta Moraes, 1969, comme pour tous les portraits, Bacon triture les pigments, il passe des chiffons, des brosses, des éponges pour déformer les traits de la figure. On pourrait presque dire qu’après avoir représenté son sujet, il le déforme. Les effets obtenus sont le flou, la superposition, la distorsion. Bacon obtient ainsi un « enregistrement » proche de celui de la photographie moderne. D'ailleurs, il a souvent travaillé à partir de clichés et fut particulièrement sensible aux photographies de décomposition du mouvement. Sa seule préoccupation est la figure: le reste de la toile est traité de façon monochrome.

 

Bacon citera Cocteau « Chaque jour dans le miroir je vois la mort à l’œuvre ». On ne sera donc pas surpris par la part de tragique de ses autoportraits. Car les déformations, les triturations qu’il met en œuvre conduisent à un enregistrement plus personnel de la figure, de l’être, de soi. Les parties évanescentes, floues sont peut-être celles qu’il est incapable de reproduire, qui changent, qu’il ne ressent pas ou moins, c'est peut-être aussi le début de la disparition de son corps. Les déformations sont peut être des conséquences de ses gestes, de ses mouvements, ou des questions qui le tiraillent, des pulsions, des blessures, des forces érotiques ou des traces de lutte. En tout cas, la peinture de Bacon semble avoir le pouvoir d’atteindre l’âme et le cœur en profondeur.


 

Où voir des œuvres de Bacon ? Le centre Georges Pompidou expose à Paris une dizaine d’œuvres de Francis Bacon parmi lesquelles « three figures in a room » 1964, « Self Portrait » 1971, « Study of the human body » 1981-1982, « Study for a protrait » 1978.


 

 

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27 septembre 2006 3 27 /09 /septembre /2006 17:45


Qui est Jean-Michel Basquiat ? Jean-Michel Basquiat est un artiste Américain d’origines haïtienne et portoricaine, né à New York en 1960. D’abord graffiteur exerçant dans les quartiers de SoHo et East Village sous le nom de SAMO, sa peinture deviendra en peu de temps populaire et applaudie dans le marché de l’art en pleine explosion des années 80. Basquiat côtoie les plus grands et se lie d’amitié avec Andy Warhol de laquelle naîtra une collaboration. Basquiat meurt en 1988, laissant une œuvre extrêmement forte et inquiétante : « c’est à 80% de la colère » dira-t-il.

 
 


 

Ce que j’aime chez Basquiat, c’est l’urgence intérieure de l’artiste. Dans sa nécessité de créer, Basquiat a souvent utilisé des portes, des réfrigérateurs, des tables ou chaises comme support. J’aime son renoncement à une peinture esthétique pour plutôt délivrer un message pictural colérique, primitif, obsédant. Basquiat renforce ce message par une multiplication des références, des symboles, des matériaux sur la toile, par un affleurement les sons, des mots, des phrases ou des onomatopées si bien que sa peinture devient cri, explosion. J’aime sentir cette pulsion, ce désir brutal et intense de communiquer que devait éprouver Basquiat. Timide, il se retient et soudain explose sa colère et tout ce qu’elle contient d’expériences et références. Ses peintures sont des entrées dans sa mémoire et les luttes, les combats, l’environnement, les références ou les héros côtoient souvent des éléments autobiographiques.

 

 
La ville,  incohérente et dangereuse :


Depuis son enfance, Basquiat évolue dans un environnement urbain. Deux expériences vont, en particulier, marquer son œuvre. Son activité de graffiteur d’une part. D’autre part, une voiture le renverse en 1968 alors qu’il joue au ballon et pendant un mois d’hospitalisation, il lira le manuel d’anatomie de Gray. Cet ouvrage aura une grande influence –représentation d’organes, d’os, de clichés radiographiques, …- et les nombreuses collisions de voitures de son œuvre feront échos à cet accident.



Basquiat suggère la ville par les formes rectangulaires qui sont celles des immeubles, par le trafic automobile ou par les grondements sonores. Le traitement du fond et l’agencement des éléments graphiques en fond un ensemble incohérent, éclaté. L’hétérogénéité du vocabulaire stylistique et des contenus exprimés rajoutent à la confusion. Les éléments jaunes de Sans Titre, 1981 sont peut-être une évocation des graffitis, une affiche présente un héro couronné, un avion est représenté dans un cadre noir. Basquiat met également la violence. Ainsi, dans Red Man, 1981, la silhouette ensanglantée entourée d’une ligne noire rappelle les traces laissées par la police après un accident. La destruction apparaît dans les formes incomplètes ou triturées des immeubles. Dans Red Man, 1981, c’est une partie de la toile qui semble arrachée comme un effondrement laissant entrevoir le tumulte des rues voisines.


 

 
Basquiat dénonce la société américaine :

« Par ses références multiples à l’histoire américaine et par le détournement spécifique de symboles[…], Per Capita est un excellent exemple de la forme très consciente d’appropriation et de transformation des matériaux existants aux fins de renforcement du message pictural concerné » Leonhard Emmerling.



Un boxer noir couronné fait figure de héros dans Per Capita, 1981. Il tient dans sa main une flamme et sa posture n’est pas sans rappeler celle de la statue de la liberté. Au dessus de sa tête, on peut lire « E PLURIBUS », allusion à la devise proposée par les politiciens américains John Adams, Benjamin Franklin et Thomas Jefferson en 1776 : « E PLURIBUS UNUM » -« un seul à partir de plusieurs ». Basquiat évoque sans conteste les idéaux d’égalité et de liberté malmenés aux Etats-Unis.

En haut à gauche du tableau, dans une liste alphabétique des Etats des Etats-Unis brutalement interrompue, Basquiat fait correspondre à chaque Etat une somme d’argent : Alabama, $7,484 ; Arizona 8,646 … A droite du tableau, on peut lire « PER CAPITA », terme emprunté au monde de la finance, revenu « par habitant ». Là se trouvent peut être les causes d’inégalités ?

 

 

 

Où voir des œuvres de Basquiat ? Deux de ses œuvres font partie de la collection du musée d’art moderne en France Sans titre, 1984 et Slave Auction, 1982 et sont exposées au Centre George Pompidou.


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