La fin de l’Histoire et le dernier Homme
Marx découvre le « moteur de l’Histoire » (la lutte des classes) et croit en la possibilité d’une « fin de l’Histoire » (la disparation grâce au prolétariat des différences de classes, entraînant ainsi un bonheur millénaire pour tous les hommes). Reprenant le vieux credo chrétien d’un bonheur reporté à plus tard, d’une réconciliation universelle des hommes, et d’une disparition des inégalités, Marx se fait le nouveau berger du troupeau, le nouveau porte-parole du type faible. Au fond, cette nouvelle croyance dans une révolution communiste et millénariste n’est qu’un nouveau symptôme du progrès silencieux du cancer nihiliste. Tout au contraire, Nietzsche fait office de prophète de malheur en racontant une toute autre Histoire… « Ce que je raconte est l’histoire des deux siècles prochains. Je décris ce qui vient, ce qui ne peut plus venir d’une autre manière : l’avènement du nihilisme passif » (52).
Après un nihilisme actif (éradication du type fort par un processus plusieurs fois millénaires de dressage et d’élevage), l’Occident voit naître un nihilisme passif. Ayant contaminé tous les pans de la culture occidentale, le type faible ne voit plus que son image dans la décadence d’un monde pourrissant sur les ruines des grandes civilisations d’autrefois. Ecœuré de lui-même, jusqu’à la nausée, il voudrait être le « dernier homme » et sa volonté, « volonté de néant ». Si on n’entrave pas le processus nihiliste, la fin de l’Histoire ne sera pas tant l’autodestruction de l’homme, que celle de la volonté. La volonté de néant est la volonté de ce type-hyper-faible qu’est le dernier homme, une volonté qui s’autodétruit car, à la lettre, elle ne veut plus rien. La volonté de néant est un néant de volonté. Apres avoir nié tout ce qui fait la vie, la force et le devenir, la volonté de puissance malade cesse même de vouloir nier. Le dernier homme ne tire même plus de satisfaction à calomnier la vie, à la fuir par des croyances religieuses, à l’empoisonner par la morale, ou à l’objectiver par la science, il veut juste en finir avec toute forme de volonté. Le dernier homme est alors l’homme le plus « méprisable entre tous » (53) car en niant son vouloir, il renie ce qui fait l’essence de la vie et du monde. Cet Homme domestiqué, diminué, grégaire, stéréotypé, ne veut ni obéir, ni commander. Il sanctifie le confort matériel et n’aspire plus qu’à vivre confortablement une vie de légume emmitouflé dans un bonheur léthargique. Ses idéaux ? Le bien-être, la santé, la paix, et la sécurité. Il cherche plus à anesthésier la vie qu’à la vivre, par le travail, par des divertissements, par des narcotiques pour s’oublier lui-même. Il vit dans des sociétés de masse standardisées, dans une civilisation sans grandeur, dans une époque sans ambition. Sa Morale ? Elle est morte avec la mort de Dieu. Sa Science ? Elle est la grande meurtrière de Dieu et a retourné le poignard contre elle-même en sapant ses propres fondements en cessant de faire croire qu’elle apportera vérité et progrès (54). Sa politique ? Une démocratie d’opinion où la plèbe se sent à l’égal des princes. Sa vertu ? La tolérance, où l’autre nom pour la lâcheté. Sentiment historiquement inédit, il ressent cette « honte d’être un homme » qu’évoque Primo Levi et que reprend Gilles Deleuze en nietzschéen : « cette honte d’être un homme (…) devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hante les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes » (55). Et parce que fin de l’Histoire ne rime pas avec fin des temps, le dernier homme n’est pas le dernier dans le temps, mais le dernier dans l’évolution. Des dizaines de générations de derniers hommes marqueront l’avènement du nihilisme et la décadence définitive de l’espèce.
La grande politique
Cette fin de l’Histoire est-elle inéluctable ? « Non ! » crie Nietzsche de toutes ses forces. La volonté de néant n’a pas encore totalement fait disparaître la mémoire de ces époques où une volonté de puissance saine était à l’origine de cultures nobles : la Grèce présocratique, la Rome antique, les sociétés italiennes de la Renaissance, etc. Parce qu’il y reste encore des traces du type pulsionnel fort, Nietzsche espère que son œuvre, malgré le mépris qu’elle suscitera et les obstacles qu’elle rencontrera, finira par arriver dans les mains des survivants de la pandémie nihiliste. De tels survivants auront cette responsabilité surhumaine de reprendre à l’heure compte les paroles de Zarathoustra : « il est temps que l’homme se fixe un but. Il est temps que l’homme plante le germe de son espérance suprême. Son sol est encore assez riche pour cela. Mais ce sol, un jour, devenu pauvre et débile, ne pourra plus donner naissance à un grand arbre » (56). Ce projet philosophique est proprement un projet politique.
Nietzsche invite ainsi à repenser la conception de la politique et le rôle de l’Etat. Tandis que la politique est devenue une politique politicienne où des hommes décadents usent de stratégies diverses pour se maintenir au pouvoir, le second est conçu comme un moyen d’assurer aux masses le bien-être, le confort, la paix et la sécurité sociale. « Beaucoup trop d’hommes viennent au monde : l’État a été inventé pour ceux qui sont superflus ! Voyez donc comme il les attire, les superflus ! Comme il les enlace, comme il les mâche et les remâche » (60). Mais pour Nietzsche le but de la politique doit reposer sur la restauration de la relation primordiale entre l’homme et la volonté de puissance, et l’Etat doit prendre en charge l’avenir de l’humanité. « Le temps de la petite politique est passé ; déjà le siècle qui s’annonce fait prévoir la lutte pour la souveraineté du monde — et l’irrésistible poussée vers la grande politique » (57). Aussi, l’Etat devra être aux mains d’une « nouvelle et prodigieuse aristocratie » (58) composée d’individus possédant une telle surabondance de force qu’ils seront à même de guérir l’humanité du nihilisme et de l’orienter vers une forme supérieure de vie. Ceux-ci pourront se servir « de l’Europe démocratique comme de leur instrument le plus docile et le plus souple pour pendre en main le destin du monde, pour travailler en artistes et à former l’"homme" lui-même » (59).
La sélection
De même que l’anthropoculture du type faible a nécessité une étape préalable de dressage, l’anthropoculture du type fort nécessitera une étape préalable de « sélection » (Züchtung). Mais gare au contresens : il ne s’agit pas tant de sélectionner des individus que des sélectionner des instincts. La guerre que Nietzsche proclame contre le type faible est un combat physio-psychologique que chacun doit livrer avec lui-même. Certes, l’Etat doit participer par une opération collective à grande échelle : mettre en place des conditions de vie vitalement néfastes au type faible (en supprimant l’influence des religions monothéistes, en éradiquant les ersatz religieux dans les idéaux moraux et politiques, en redonnant aux arts un rôle d’affirmation de la volonté de puissance, en supprimant l’hégémonie du modèle scientifique dans le domaine du savoir, etc.). Mais ce n’est pas l’Etat qui sélectionne, ce sont les individus eux-mêmes, dont les organismes sont contraints de s’adapter à un nouvel environnement, qui pratiqueront une auto-purification de leur système pulsionnel. Chacun sera contraint de rééduquer son Soi organique en s’imposant des obstacles propices à l’intensification de sa puissance et à l’auto-dépassement de soi.
C’est à partir d’un système de valeurs incorporé (et devenu inconscient) que les hommes hiérarchisent la réalité (ce qui est nuisible, ce qui est utile) à partir de préférences fondamentales qui traduisent l’état sain ou maladif de leur volonté de puissance.C’est pourquoi la grande politique est inséparable d’une « transvaluation » des valeurs. Trans-valuer ce n’est pas seulement remplacer les valeurs actuelles par d’autres valeurs (on risque ainsi de perpétuer le même nihilisme protéiforme à l’instar, par exemples, des, valeurs scientifiques qui perpétuent malgré les apparences les valeurs morales et religieuses) c’est inverser le principe même de l’évaluation. Contre tous les systèmes de valeurs nihilistes (croyances religieuses, vertus morales, idéaux démocratiques, foi dans l’existence d’une vérité absolue, etc.), c’est sur une affirmation radicale du réel que seront fondées les valeurs nouvelles. Il faut non seulement accepter intégralité du réel, partout et tout le temps, mais aussi l’aimer jusqu’à vouloir qu’il se répète à l’infini. « Il ne faut rien demander d’autre, ni dans le passé, ni dans l’avenir, pour toute éternité. Il faut non seulement supporte ce qui est nécessaire (…) il faut aussi l’aimer… » (61). Amor fati et la croyance en l’Eternel retour fondent le nouveau système de valeur que l’homme devra s’incorporer dans la durée jusqu’à en faire des « vérités », les vérités à l’image d’une humanité ennoblie. « La force des connaissances ne tient pas à leur degré de vérité mais à leur ancienneté, au fait qu’elles sont incorporées, à leur caractère de condition d’existence» (61bis) De telles« vérités », non-scientifiques et a-morales, sont des « conditions d’existence » par lesquelles s’effectue la sélection parce qu’elles sont insupportables au type faible dont les systèmes de valeurs n’étaient jamais que des palliatifs à l’existence. Grand admirateur de la civilisation grecque, Nietzsche s’inspire ici de la figure de l’homme dionysiaque en qui « peut s’accorder non seulement le spectacle du terrible et du problématique, mais jusqu’à l’action terrible et jusqu'à tout luxe de destruction, de dissolution, de négation ; chez lui, le mal, le non-sens, le laid apparaissent en quelque sorte permis en conséquence d’une surabondance de forces génératrices et fécondantes capables de transformer tout désert en pays fertile et luxuriant » (62). Comme l’écrit Jean Granier « Dionysos symbolise en effet, pour Nietzsche, l’être doté d’une énergie si luxuriante qu’elle peut tout transmuer en affirmation, et donc accueille avec une ferveur égale les termes contradictoire dont la lutte est au cœur de la vie elle-même » (63).
L’ennoblissement
« La tâche de l’Etat n’est pas que le plus possible de gens y vivent bien et conformément aux bonnes mœurs : ce n’est pas le nombre qui importe (…) le but de l’Etat est l’humanité noble » (65). L’anthopoculture du type fort doit se percevoir comme le strict opposé de celle du type faible. Tandis que l’élevage du type faible a consisté à affaiblir, sur plusieurs millénaires, les hommes pour en faire des « bêtes malades » rongées par une volonté de puissance morbide ; l’élevage d’un type fort consistera dans l’accumulation de forces sur plusieurs générations. Ennoblir l’humanité c’est « emmagasiner une énorme quantité de forces humaines, de telle sorte que les générations puissent bâtir sur les fondements posés par leurs aïeux, tant dans les choses extérieure que dans les réalités intérieures et organiques, dans un accroissement de forces continu » (66).
L’ennoblissement exige une gigantesque réforme de l’éducation dont nous pouvons, d’ores et déjà, imaginer les grandes lignes :
- Sur le plan épistémologique : Ne plus inculquer l’objectivité scientifique comme unique modèle de connaissance, mais former au contraire des « esprits libres » capables de multiplier les perspectives
- Sur le plan éthique : Ne plus inculquer les notions moralisantes de Bien et de Mal, mais préférer une éthique personnelle du bon et du mauvais en commençant par briser les tabous et supprimer la culpabilité liées à la vie du corps et à la sexualité
- Sur le plan psychologique : Ne plus insinuer la dualité entre le corps et l’esprit, mais enseigner la réalité psychologique du Soi organique et du processus pulsionnel qui fait de nous ce que nous sommes
- Sur le plan culturel : Condamner toutes les manifestions du nihilisme dans les arts, et redonner l’image d’un artiste créateur d’où jaillit une volonté de puissance saine
- Sur le plan religieux : Apprendre à renoncer à son besoin de transcendance et faire de l’Amor fati la nouvelle forme d’amour universel
- Sur le plan politique : Démystifier les idéaux démocratiques, socialistes, écologistes, féministes, … ultimes avatars des prétentions égalitaires nihilistes
La mort de Dieu et le Surhomme
« Dieu est mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consolerons-nous, nous, meurtrier entre les meurtriers ! (…) La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne faut-il pas devenir dieux nous-mêmes pour, simplement, avoir l’air digne d’elle ? Il n’y eut jamais action plus grandiose et, quels qu’ils soient, ceux qui pourront naître après nous appartiendront, à cause d’elle, à une Histoire plus haute que, jusqu’ici, ne fut jamais aucune Histoire. »(99)
Le dernier homme célèbre la mort de Dieu dans une liesse festive et insouciante : « ni Dieu ni maître ! ». Ragaillardi par ses victoires contre les anciennes coutumes chrétiennes, il se lance dans la négation rageuse de toutes les valeurs d’autrefois. Mais cette destruction des valeurs n’a rien à voir avec la transvaluation nietzschéenne. Elle demeure un symptôme de ces occidentaux qui, épuisés par deux millénaires de dressage, sombrent, avec une joie morbide, dans l’aphasie du nihilisme passif qui détruit pour détruire, qui détruit pour ne plus rien vouloir. Au contraire, la volonté de puissance, lorsqu’elle est saine, détruitpour créer. C’est pourquoi Nietzsche exhorte à « déterminer à nouveau le poids de toutes choses ! » (70). Et c’est seulement en créant des valeurs nouvelles, par une volonté de puissance affirmative d’elle-même, que l’homme contemporain pourra se rendre « digne » d’être le décédant des meurtriers de Dieu. L’homme de cette « Histoire plus haute » « apparaîtra vraiment inhumain » (71) car il devra renoncer à tout ce qui, jusqu’à présent, a été considéré comme constituant son humanité (sa religion, sa morale, sa « vérité » scientifique, ses idéaux, sa culture…), à tout ce qui a été incorporé comme étant le Vrai, le Bien et le Beau pour s’imposer comme créateur de valeurs. Un « sur-homme » (Über-Mench) est étymologiquement celui qui saura saisir l’opportunité de la destruction des valeurs pour engager un « auto-dépassement » (Über-schreitung) de l’humanité.
Plus encore, l’Überschreitung de l’homme par l’homme – acte inhumain et surhumain - est, en quelque sorte, un acte divin. L’homme hérite, en effet, de la charge anciennement dévolue au Créateur : ériger des Tables de valeurs. C’est ainsi que, selon Lou Andréa Salomé, amie et commentatrice du philosophe, par la transposition du pouvoir créateur de Dieu à l’homme, l’humanité se sent « mystiquement grandi jusqu'à coïncider avec la totalité de l’univers et de la vie (…) Dieu, le monde, le « moi » se fondent » (73). Malgré l’anti-christianisme radical de Nietzsche, elle y voit la conservation d’une thématique religieuse fondamentale : la création. Est divin ce qui, à partir d’un chaos originel, créée quelque chose de par sa puissance propre. Dans une très belle formule, elle écrit : « on voit s’opérer [avec le surhumain] la jonction de tendances en apparence irréductibles : le déferlement écumant des forces surtendues ; leur chute volontaire dans le chaotique, le ténébreux, l’effroyable ; puis leur remontée vers la lumière, vers ce que l’esprit peut concevoir de plus aérien, de plus délicat (…) un chaos qui voudrait engendrer un dieu » (76).
L’intérêt d’une telle interprétation de la philosophie de l’Histoire de Nietzsche –l’arrivée à une étape quasi-mystique de « divinisation » (75) de l’homme – est qu’elle nous incite à réfléchir sur la conception nietzschéenne du fait religieux. L’essentiel est de comprendre que, pour Nietzsche, ce n’est pas la religion en soi qui est nihiliste, mais certaines de ses expressions, en particulier judéo-chrétiennes. En effet, à la question de savoir « si le type de l’homme religieux est une forme de décadence », Nietzsche répond sans hésiter : « mais n’est-ce pas là omettre un certain type de l’homme religieux, le type païen ? Le culte païen n’est-il pas une forme de la reconnaissance envers la vie, de l’affirmation de la vie ? » (100) Nietzsche s’inscrit d’emblée dans la lignée païenne en signant « Dionysos contre le « Crucifié » (ibid.) car chez lui aussi, comme l’écrit Salomé, « l’exaltation vitale, poussée jusqu'à l’extase, prend la place de l’élévation religieuse, et s’érige en culte divin » (74). D’ailleurs, le culte nietzschéo-dionysiaque prend nettement la forme d’un credo religieux dont Zarathoustra serait le prophète : « Je vous enseigne le Surhumain… Le Surhumain est le sens de la Terre… Je vous en conjure, ô mes frères, demeurez fideles à la Terre et ne croyez pas ceux qui vous parlent d’espérances supraterrestres » (101). Ce n’est donc pas entre religion et athéisme que se joue l’opposition nietzschéenne, mais au sein même du fait religieux par des oppositions terme à terme : Ciel/Terre - transcendance/immanence - Etre/Devenir - négation/affirmation.
Néanmoins, si Nietzsche se réfère sans cesse aux Anciens, il n’invite pas à revenir au paganisme. La disparation du polythéisme antique est un fait historique irréversible, fruit de l’évolution du nihilisme. Zarathoustra s’écrie : « Morts sont tous les dieux ; maintenant nous voulons que vive le surhomme ! » (69). Tous les dieux, c'est-à-dire le Dieu des Juifs et des Chrétiens évidemment, mais aussi les dieux des Anciens. Dionysos aussi est mort. Zarathoustra aussi devra mourir. La destruction de toute forme de transcendance devra être radicale pour que l’homme lui-même soit divinisé comme créateur de valeurs nouvelles, pour qu’advienne le surhomme. Le culte nietzschéo-dionysiaque demeure donc indéfectiblement dans l’immanence.
Pour conclure, il faut insister sur un des messages fondamentaux de Zarathoustra c’est le devenir, sur cette terre, auquel il faut affirmer un oui éternel. C’est le grand cri tragique : aimer la nécessité de la vie ici-bas sous tous ses aspects et pour toujours. Incipit traœgedia ! Il faut retrouver « l’innocence du devenir » (102). De ce fait, les deux aspects du surhumain - création et innocence - renvoient naturellement Nietzsche à la figure de l’enfant. L’enfant qui chante, qui court et qui joue incarne, pour reprendre les termes de J.-F. Dupeyron, « la volonté dans son aspect le plus authentique, dans son exubérance contagieuse, sans les entraves ordinaires qui la mutilent et la sclérosent » (77). Les prodigieuses et inutiles dépenses de forces de nos progénitures, « prodigue[s] jusqu’au gaspillage » (78) nous rappellent que la vie, lorsqu’elle est saine et heureuse, se veut elle-même toujours plus intensément dans des élans créatifs et innocents. Concevoir la vie comme un simple vouloir-vivre est toujours une idée d’adulte ! « L’enfant est innocence et oubli, un renouveau et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, une sainte affirmation » (79). Non encore empoisonné par la morale et ses succédanés, l’enfant possède une éthique par-delà le bien et le mal. Tout est bon dans l’enfant, y compris lorsqu’ils sont violents, capricieux, et provocants. Simplement vivants, leurs volonté de puissance n’est pas encore entravée, ni par la conscience morale, ni par la lourdeur de ratiocinations. La joie de l’autodépassement du vivant, naïf et innocent, toujours affirmateur de la puissance de la vie, passe par le jeu. C’est pourquoi Nietzsche peut dire que « La maturité de l’homme, c’est d’avoir retrouvé le sérieux qu’on avait au jeu quand on était enfant. » (80). L'enfant est « au plus prêt des jeux créatifs de la volonté » (81) car le jeu occupe une grande partie de son temps. Loin d’opposé, comme le font les adultes, jeu et travail sérieux, l’enfant met tout son sérieux à jouer avec le monde qu’il recrée, qu'il réinvente selon son imagination. C’est pourquoi pour devenir surhomme, l’homme devra être capable de jouer lui aussi avec sa réalité pour recréer ce qu’il y a de plus sérieux : un nouveau système de valeurs pour l’humanité ennoblie.
Julien
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(52) FP nov 1887-mars 1888
(53) Ainsi parlait Zarathoustra, prologue, 5
(54) Le principe d’Heisenberg et la notion de falcibiabilité de Popper ont bouleversé les fondements de la Science… par des scientifiques eux-mêmes !
(55) Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Minuit, p. 103.
(56) idem (53)
(57) Par-delà le bien et le mal, 208
(58)FP 1886 XII 2 [57]
(59) ibid.
(60) Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue, DE LA NOUVELLE IDOLE
(61bis) Gai Savoir, 110
(61) Ecce Homo
(62) Gai Savoir, 370
(63) Nietzsche, puf, p. 113
(65) FP des Considérations inactuelles 1873-1874, 30 [8]
(66) FP, VIII, 3, 15 [65]
(67) Nietzsche, puf, p. 112
(68) Ainsi parlait Zarathoustra, prologue 4
(69) Ainsi parlait Zarathoustra, I, de la prodigue vertu »
(70) Gai Savoir, 269
(71) Gai Savoir, 382
(73) Friedrich Nietzsche à travers ses œuvres, Grasset, p.256
(74) op cit., p. 257
(75) op cit., p. 67
(76) op cit., p. 65
(77) Nos idées sur l'enfance: Etude des représentations de l'enfance en Occident, L’harmattan , p.291
(78) FP dans œuvre complète tome X, p. 63
(79) Ainsi parlait Zarathoustra , « Les trois métamorphoses »
(80) Par-delà le bien et le mal, IV, 94
(81) idem. (77),
(99) Gai Savoir, 125